30 Dezember 2005

Random kick-ass lyric of the week #2

Do you see the lies falling from the mouths of politicians
like turds filling a litterbox, they scratch
but each new movement pushes up an old lie


Ten Foot Pole
"Wake Up (and Smell the Fascism)"
2004

22 Dezember 2005

Random kick-ass lyric of the week #1

Fuck your US pride
You were born into it

Jimmy the child molester down the block
Has got the same fucking pride


River City Rebels
"U.S. Crush"
2002

15 Dezember 2005

This blog is being renovated

I am changing this blog, it will also have opinions & recommendations on cultural stuff, like movies, music, books, etc (probably only in english).

I will still post translations (at least once a month).

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Aku tengah menggantikan blog ini, sini akan ada pendapat2 dan rekomendasi2 tentang hal berbudaya, iaitu wayang gambar, muzik, buku, dll (mungkin dalam bhs inggeris saja).

Aku masih kan menge-pos terjemahan2 (sekurang-kurangnya satu kali setiap bulan).

06 Dezember 2005

"Service de nouvelles Un Monde A Gagner" sur LA RÉVOLTE EN FRANCE

THIS IS NOT MY TRANSLATION. IT WAS DONE BY AWTWNS THEMSELF. JUST THOUGHT IT OUGHT TO BE ONLINE SOMEWHERE.


La révolte en France : la « racaille » illumine le ciel

Le 7 novembre 2005. Service de nouvelles d'Un Monde A Gagner. La classe dominante française fait face à la plus importante crise qu’a connue ce pays depuis des décennies. Le Premier ministre Dominique de Villepin a dû recourir à une loi vieille d’un demi-siècle n’ayant pas été invoquée depuis l’époque de la guerre coloniale contre l’Algérie, qui permet aux autorités locales de décréter l’état d’urgence et d’imposer un couvre-feu aux heures qui leur conviennent. Bien que de Villepin ait renoncé, pour le moment, à recourir à l’armée, ses opposants soulignent qu’à partir du moment où ces mesures adoptées, elles seront probablement considérées comme un défi par les rebelles; dès lors, si une force suffisante n’est pas déployée pour les imposer, la situation pourrait se détériorer encore plus. Le problème, pour le gouvernement, c’est la révolte d’une partie du peuple français, que le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a traité de « racaille ». La jeunesse des cités, qui jusque là était plutôt silencieuse, s’est propulsée au cœur de l’actualité, obligeant tout le monde à se positionner par rapport à elle.

Peu de temps après son entrée en fonction, Sarkozy a prétendu déclarer une « guerre sans merci » contre la « canaille » des banlieues françaises. Il est allé jusqu’à dire qu’il utiliserait un Karcher – un véhicule muni d’un boyau à haute pression, utilisé en France pour nettoyer les excréments de chien sur les trottoirs – et qu’il « nettoierait » les cités, là où réside une grande majorité de la population immigrante ainsi que les couches les plus défavorisées de la classe ouvrière multinationale. Ce n’était pas simplement des mots en l’air. Sarkozy a lancé sa police, qui s’est mise à harceler et humilier la jeunesse encore plus systématiquement qu’elle le fait habituellement. C’est chose commune, la nuit, pour de jeunes hommes se promenant seul sur la rue d’être soudainement interpellé par une camionnette pleine de flics, pour un « contrôle d’identité ». Le plus souvent, cela signifie être jeté par terre, menotté et battu à la moindre résistance. Au cours des dernières semaines, la police a nettement intensifié ce type de persécution. À certaines occasions, des jeunes ont répondu à ce harcèlement en brûlant au hasard des voitures; depuis quelques années, ce geste est devenu un phénomène de plus en plus fréquent en France, qui symbolise la révolte.

La colère rampante des jeunes aura donc finalement explosé le 27 octobre à Clichy-sous-Bois, une banlieue située à l’est de Paris autrefois considérée comme un bled plutôt tranquille. Un groupe de jeunes adolescents revenaient à la maison après un après-midi à jouer au foot. Éventuellement, la police a prétendu que quelqu’un avait tenté de pénétrer par effraction dans le bureau d’un chantier de construction situé sur un terrain vacant qui se trouvait comme par hasard sur le chemin parcouru par ces jeunes, alors qu’il n’y a pourtant jamais eu de bureau sur ce terrain, ni même quelque objet de valeur. Un car rempli de policiers s’est présenté sur les lieux; ces flics faisaient partie de la BAC – la Brigade anti-criminalité, dont l’essentiel du job consiste à brutaliser les jeunes des cités. Les jeunes ont donc pris la poudre d’escampette. Trois d’entre eux ont tenté de fuir en escaladant un mur haut d’un mètre et demi. D’autres jeunes, qui avaient été mis en état d’arrestation un peu plus tôt et qui étaient retenus dans des voitures de police, ont témoigné avoir entendu très clairement un message radio dans lequel un flic rapportait avoir vu des adolescents escalader le mur et pénétrer dans une station abritant un transformateur. « Ils sont en danger de mort », l’ont-ils entendu dire; puis, la réponse est venue, brutale : « Eh! bien, comme ça, ils ne pourront pas aller bien loin! » Environ une heure plus tard, l’escouade d’urgence des sapeurs-pompiers s’est finalement présentée et a procédé à la coupure du courant électrique. C’est alors qu’ils ont trouvé deux garçons décédés, tandis qu’un troisième était sévèrement brûlé.

Ce soir-là, des petits groupes de jeunes ont commencé à incendier des boîtes à ordures et des voitures; ils et elles ont aussi lancé des bouteilles et des pierres à la police. Le lendemain après-midi se tenait une marche silencieuse en solidarité avec les familles des deux jeunes victimes, Bouna Traore et Zyed Benna. Les médias ont dit qu’ils étaient âgés de 15 et de 17 ans, mais certains de leurs voisins disent qu’ils étaient en fait tous deux plus jeunes que ce qu’on a rapporté. Bouna, dont la famille est originaire de Mauritanie, était connu comme un bon footballeur. Zyed, d’origine tunisienne, était considéré comme un gentil gosse par les personnes âgées du voisinage, notamment parce qu’il en aidait plusieurs à faire leurs courses. Le soir suivant, il y a eu d’autres débordements à Clichy et aux alentours, d’une intensité comparable à la nuit précédente.

Dans les jours qui ont suivi, Sarkozy est venu par hélicoptère dans une ville toute proche – les jeunes du coin disent qu’il n’a simplement pas osé se pointer à Clichy. Prenant sa plus belle gestuelle machiste, il a fulminé contre les « voyous » et la « racaille » – ce que ses opposants, et même ses partisans, ont perçu comme une provocation délibérée. Le 31 octobre, la police a lancé une grenade lacrymogène dans une mosquée remplie de musulmans qui célébraient le Ramadan. L’effet de ces gestes et de ces déclarations s’est fait sentir tout le reste de la semaine. Les autorités ont refusé de s’excuser. Quant à eux, les parents des deux victimes sont demeurés fermes face aux tentatives du gouvernement d’apaiser leur colère.

Plutôt que de s’éteindre au terme du week-end, le foyer d’incendie s’est intensifié et s’est répandu. Des centaines de voitures ont été brûlées, alors qu’on assistait à chaque nuit à un nombre record d’arrestations. Une semaine plus tard, alors que les combats étaient terminés dans le secteur, une confrontation de plus grande envergure prenait place entre les jeunes et la police, tout près à Aulnay-sous-Bois. De petits groupes de très jeunes d’adolescents mettaient le feu aux voitures dans plus d’une vingtaine de villes autour de Paris, dont plusieurs dans le département 93, à l’est et au nord de la capitale. Un poste de police, un centre d’emploi, de grands et plus petits magasins, et un stationnement d’autocars furent également incendiés. En date du 5 novembre, 900 véhicules automobiles avaient été brûlées dans la région parisienne; la nuit suivante, les flammes consumaient 500 voitures, uniquement dans la région parisienne, et plus de 800 autres dans une douzaine de villes à travers le pays.

À une exception près (un retraité de l’automobile décédé dans un stationnement dans des circonstances nébuleuses), on rapporte très peu de cas où des jeunes se seraient délibérément attaqués à des gens ordinaires, quelque soit leur nationalité, dans les cités ou ailleurs – bien qu’une poignée de passants aient été blessés. En fait, il semble que les affrontements entre les jeunes des différents quartiers ont même diminué en intensité au cours des dernières semaines. En général, leurs cibles sont très claires et pas du tout aléatoires : la police, le gouvernement et tout ce qui les représente, ainsi que l’ordre social dominant. Brûler des voitures est une forme de désordre et de défi à l’autorité que les forces de l’ordre, comme on les appelle en France, ne peuvent tolérer.

La police a répliqué en utilisant des canons à eau – les fameux « Karcher » de Sarkozy – et plus particulièrement, des balles en caoutchouc, les gaz lacrymogènes et les matraques. Les jeunes rapportent que les balles de type « flash ball » sont vraiment dangereuses, surtout lorsqu’elles atteignent le visage ou le cou. Le 4 novembre, pour la première fois en France, des hélicoptères ont survolé le dessus des toits des énormes complexes de logements sociaux de Paris et dans une autre ville au moins. Ils ont braqué leurs projecteurs dans les entrées et les fenêtres des logements, filmant tout ce qui se passait et coordonnant les escouades mobiles de la police au sol. La tactique des autorités est passée par quelques étapes. Au départ, la police n’a pas procédé à beaucoup d’arrestations. Les flics interceptaient systématiquement ceux et celles qu’ils réussissaient à attraper à un endroit donné, pour ensuite les libérer, la plupart du temps. Les autorités semblent avoir simplement espéré que le soulèvement s’atténuerait, et elles craignaient sans doute d’enflammer encore plus la situation en intervenant de manière plus répressive.

Une semaine et demie plus tard, alors que les jeunes devenaient de plus en plus audacieux, Sarkozy a toutefois lancé le mot d’ordre : « Arrestations – voilà la clé. » Suivant cet appel, des centaines de jeunes ont donc été mis en état d’arrestation, quotidiennement. En date du 7 novembre, environ 20 personnes avaient déjà été condamnées à la prison, et plus de d’une trentaine d’autres attendaient de subir leur procès sous ce que le gouvernement menace d’être de très sérieuses accusations. Selon les chiffres officiels, la moitié de ceux qui sont en prison en ce moment sont âgés de moins de 18 ans, et presque tous ont moins de 25 ans.

Les autorités hurlent à l’effet que les jeunes « utilisent de vrais pistolets », ce qui serait plutôt inusité en France. À Grigny, au sud de Paris, dans le seul incident ayant été rapporté, des flics ont dit avoir été attirés dans un « guet-apens » par des groupes de jeunes hommes armés de gourdins et de pistolets. Il s’est avéré que deux officiers ont été légèrement blessés par de la chevrotine non mortelle. La police a déclaré avoir trouvé plus tard une vraie cartouche de fusil vide sur le sol. Cela est peut être une manière pour l’État de justifier l’utilisation d’une force bien plus mortelle.

Dans un éditorial, le soi-disant quotidien de gauche Libération a prétendu que le soulèvement est « organisé » par des « des caïds protégeant leurs trafics [et des] islamistes en mal de chair à jihad ». En ce qui concerne la première accusation, la presse elle-même a cité les témoignages de nombreux résidants des cités précisant que les revendeurs sérieux n’allaient jamais organiser quoi que ce soit qui soit susceptible de déranger leurs affaires. Comme l’a indiqué un homme d’Aulnay, « c’est plutôt l’État qui est heureux de voir les drogues inonder les ghettos ». Bien que l’économie souterraine sous toutes ses formes prospère dans les cités, ce n’est pas ce qui sous-tend cette révolte.

Certains politiciens ont prétendu voir la main d’Al-Qaida derrière la crise actuelle, ce qui est une façon édulcorée de laisser entendre que la réponse appropriée aux actions des jeunes serait carrément de procéder à un massacre. Mais les accusations qui prétendent qu’il s’agit d’une révolte consciemment islamique ou que ce sont les imams qui la mènent en sous-main sont totalement sans fondement. Le fait est que depuis le début, les principaux chefs musulmans ont envoyé leurs fidèles pour tenter d’éteindre les manifestations. Même s’ils sympathisent avec les jeunes en lutte contre le gouvernement, les chefs musulmans s’opposent à ce qu’ils considèrent comme des comportements contraires aux règles de l’Islam. L’Union des organisations islamiques de France a même émis une fatwa (décret religieux) interdisant aux musulmans de participer ou contribuer à « quelque action qui frappe de façon aveugle des biens privés ou publics ou qui peuvent attenter à la vie d’autrui ».

L’attitude du gouvernement français envers l’Islam est à deux visages. Le gouvernement attaque les droits des musulmans au nom de la laïcité. Il interdit aux filles et aux jeunes femmes musulmanes de porter le voile à l’école – comme si le fait de les priver de l’accès à l’éducation était autre chose que du racisme et signifiait autre chose qu’une oppression accrue pour les femmes. En même temps, Sarkozy a consacré d’énormes efforts pour attirer les imams sous l’aile du gouvernement, en assurant notamment leurs salaires et leur financement et d’une certaine manière, en les transformant en bras organisé de l’État utilisé pour contrôler les communautés immigrées. À Aulnay, une femme faisait remarquer que « chaque fois que quelque chose comme cela se produit, ils construisent une nouvelle mosquée. Ce n’est pourtant pas ce que nous voulons. »

La crise a produit des effets contradictoires sur la classe dominante et sur ce qu’on appelle, en France, la « classe politique » – ceux qui se relaient à la tête du gouvernement. À certains moments, elle les a divisés, tandis qu’à d’autres, elle les a carrément amenés à s’entre-déchirer. Dans un premier temps, le Premier ministre Dominique de Villepin a tenté de se dissocier de son ministre de l’Intérieur Sarkozy, qui est aussi son rival politique, en le critiquant pour ses excès de langage. Dans les premiers jours, et même après jusqu’à un certain point, le président Jacques Chirac s’est lui-même dissocié des deux, en choisissant de garder le silence. La critique des excès de langage de Sarkozy est même venue d’un membre du cabinet – un Arabe de service titulaire d’un ministère junior destiné à la « Promotion de l’égalité des chances ». Un des nombreux syndicats de policiers a même demandé à Sarkozy de se la fermer parce que ses interventions mettent les flics en danger. Dix jours plus tard toutefois, bien peu de membres de l’« establishment » formulent encore publiquement des critiques à l’endroit de Sarkozy – sa grande gueule étant devenue le moindre de leurs soucis.

Les jeunes exigent massivement la démission de Sarkozy. Cette revendication est reprise quasi unanimement par les masses d’origine immigrante et elle est largement appuyée par les masses de toutes les nationalités présentes dans les cités, y compris par une partie importante de la classe moyenne. Sarkozy est le visage qui symbolise le plus clairement la répression; cet homme aime bien se présenter comme un politicien de style « américain », en affichant très ouvertement son côté réactionnaire. Ce style semble tout à fait approprié pour son job de ministre de l’Intérieur, et c’est d’ailleurs vraisemblablement pour cela que ses rivaux lui ont accordé cette fonction. Son travail consiste à représenter la force brute de l’État et à l’utiliser contre le peuple, non seulement contre les immigrantEs et leurs enfants, mais aussi contre les grévistes, et de manière générale. Peut-être que de Villepin et Chirac ont pu, au début, souhaiter que l’arrogance de Sarkozy cause sa chute. Mais au fond, personne parmi la classe politique n’aurait pu accepter que ce soit la « racaille » qui force la démission du flic numéro un du pays.

Le Parti socialiste, de son côté, n’a même pas osé tenter de tirer profit de la situation, politiquement, pour stopper son propre déclin – du moins pour l’instant, et même si ses membres à la base seraient bien heureux de se lancer dans la bataille contre Sarkozy. Les dirigeants du PS affirment que le « rétablissement de la paix » est une condition sine qua non avant d’entreprendre quelque discussion ou action que ce soit sur les questions de fond qui sont en jeu, et ils ont explicitement refusé l’appel à la démission de ministre de l’Intérieur.

Quant au parti révisionniste, le PCF, il n’est pas moins malheureux de la situation. Les révisionnistes tentent de faire porter tout le blâme sur Sarkozy et sur la droite, comme si lorsque la soi-disant « gauche » était au pouvoir, celle-ci n’avait pas elle aussi adopté la même attitude vis-à-vis les jeunes des cités. À l’époque, le ministre socialiste de l’Éducation les avait même qualifiés de « sauvages ». Le PCF veut faire oublier le fait que ce sont précisément les partis « de gauche », pendant toutes ces années où ils ont été au pouvoir, qui ont façonné la société française, telle qu’on la connaît aujourd’hui. Le parti révisionniste appelle à la démission de Sarkozy, mais il a tenu en même temps à se distancer le plus possible des jeunes des cités. Questionnée à la radio à savoir si les jeunes qui incendient des voitures sont des « victimes ou des criminels », la chef du parti Marie-Georges Buffet a spontanément répondu : « des criminels ». La presse du PCF a caractérisé la rébellion comme étant « le résultat désastreux de politiques désastreuses ». Le PCF demande une enquête sur la mort des deux adolescents, comme si celle-ci n’était pas déjà suffisamment claire; comme si on était dans une situation où on ne sait pas qui a tort et qui a raison; et comme si les masses populaires n’avaient pas déjà rendu leur verdict sur cette affaire. Pendant que les élus du Parti communiste ont tenu une « manifestation pour la paix » devant les bureaux du Premier ministre, les sections locales du PCF ont tenté d’organiser de telles manifestations « pacifistes » dans les cités et les quartiers ouvriers. Depuis deux semaines, les jeunes se sont soulevés à peu près partout, sans faire de distinction entre les municipalités dirigées par des socialistes, des communistes ou des maires de droite, parce que quel que soit le parti au pouvoir, cela ne fait aucune différence dans leurs vies de tous les jours.

La vérité, c’est que la France a connu beaucoup trop d’années de « calme » et de paix sociale, en dépit de l’oppression grandissante qui sévit, et qu’à cette « tranquillité » a correspondu une détérioration systématique des conditions des oppriméEs. Qu’y a-t-il de si fantastique dans le fait d’accepter ce type de vie qu’on impose non seulement aux jeunes, mais à la grande majorité de la population française? Depuis quelques jours, la violence au sein du peuple a diminué considérablement, et l’esprit de la jeunesse est en ébullition. La révolte des jeunes est loin d’être un « désastre »! Au contraire, elle est parfaitement justifiée. Elle introduit enfin un peu d’air frais pour éviter la suffocation politique et sociale – en somme, elle représente quelque chose de positif dans l’atmosphère cynique et perverse qui amenait les gens à faire l’autruche depuis trop longtemps déjà, soit depuis la défaite de la rébellion de Mai 1968 et la trahison des espoirs populaires par les gouvernements dirigés par les socialistes et appuyé par les révisionnistes. Les jeunes qui se révoltent veulent se battre et ne veulent pas voter : ils vont ainsi à contre-courant de l’idée dominante qui prétend qu’on ne peut rien changer dans un pays où l’électorat s’est uni pour faire échec au candidat ouvertement fasciste Jean-Marie Le Pen il y a quelques années, mais uniquement pour élire Chirac et amener Sarkozy au pouvoir. Quelques soient les erreurs que les jeunes peuvent commettre en ce moment, leur révolte représente le plus bel espoir que la France ait connu depuis des décennies – l’espoir d’une société nouvelle et différente.

Il est important de souligner qu’un des principaux bonbons offerts par le Premier ministre de Villepin, qui joue le rôle du « gentil flic » au côté de Sarkozy-la-matraque, est la mise sur pied d’un programme qui permettrait aux jeunes de quitter l’école à 14 ans plutôt qu’à 16 comme c’est le cas actuellement, pour qu’ils et elles puissent commencer à travailler comme « apprentis » en dessous du salaire minimum, dans ces filières cul-de-sac réservées aux décrocheurs. En d’autres mots, ce qu’on leur propose de mieux, c’est de vivre la même chose que ce que leurs parents ont enduré, alors que ceux-ci ont accepté de supporter cette misère justement parce qu’ils espéraient un avenir meilleur pour leurs enfants. Ce que les faux socialistes et les révisionnistes refusent d’admettre, c’est que même si les capitalistes et leur gouvernement le voulaient, ils ne pourraient offrir à ces jeunes des emplois décents, tout en préservant les immenses profits qu’ils engrangent en les exploitant ainsi. Voilà pourquoi la classe dominante considère les sans-emplois, et particulièrement les immigrantEs et leurs enfants, comme des « bons-à-rien inutiles », destinés à être écrasés avant de s’en débarrassern autant que faire se peut. Les politiques de Sarkozy ne sont que l’expression de cette réalité économique sous-jacente.

Le leitmotiv qui revient constamment chez les principales personnalités politiques du pays (y compris même celles « d’extrême gauche ») et dont ils se plaignent constamment, c’est que les jeunes qui se révoltent sont « dépolitisés ». Mais c’est carrément absurde! Car même si ces jeunes n’ont pas encore atteint une conscience suffisante de ce qui serait nécessaire pour aller plus loin, ils et elles savent quand même très bien qui sont leurs ennemis, et ils cherchent aussi à se trouver des alliés. Il n’y a rien d’« apolitique » dans le fait de rejeter la vie minable qui est la seule que le système puisse leur offrir – cela représente au contraire une rupture avec la définition de ce qui est permis dans le cadre de la politique bourgeoise, et c’est aussi un point de départ (comme le disait aussi un autre article du quotidien Libération) vers une rupture avec l’idée que le système actuel est le seul possible et envisageable. En fait, non seulement les jeunes refusent-ils d’accepter les circonstances dans lesquelles on les enferme, mais ils prêtent également beaucoup d’attention aux événements mondiaux les plus importants, comme ceux qui se déroule en Irak ou en Palestine; à tout le moins, ils et elles ressentent plus profondément ce qui se passe ailleurs que plusieurs de leurs aînés, qui ont laissé leur opposition aux crimes de l’impérialisme se dégonfler parce que « leur » gouvernement a réussi à apparaître comme étant « blanc comme neige » face à ces crimes.

Ces jeunes ne sont ni des « victimes », ni des « criminels ». Ils et elles sont simplement devenuEs des acteurs et des actrices de l’histoire, des pionniers qui sont passés à l’action à une échelle où personne n’était encore allé, dans un pays où la majorité de la population se sent écrasée, dans le meilleur des cas. Ces jeunes sont entréEs sur la scène politique, qui leur avait été jusque là interdite. Il y a un consensus parmi les principaux partis politiques et l’opposition officielle comme quoi ce soulèvement doit être réprimé et/ou écrasé – qu’avant toute chose, l’État doit y mettre fin, rapidement. Ces jeunes se battent pour réveiller un pays rempli de gens endormis; il était plus que temps que ça se produise.



De notre reporter : conversations à Clichy-sous-Bois

Le 7 novembre 2005. Service de nouvelles d'Un Monde A Gagner. Nous sommes en début de soirée à Clichy-sous-Bois, environ une semaine après la mort de Bouna Traore et de Zyed Benna, au pied d’une colline où la cité prend fin et où commence un quartier de petites maisons unifamiliales, dans un bar-tabac rempli de travailleurs ayant fini leur journée et qui est en fait le seul établissement de ce genre à des kilomètres à la ronde.

J’ai décidé d’y entrer et de demander aux gens de me raconter ce qu’ils ont à dire à propos des événements actuels. La seule femme présente à l’intérieur est la jeune caissière. Les hommes à l’avant du bar sont tous blancs. Un homme âgé d’une trentaine d’années et son ami dans la soixantaine sont les premiers à accepter de me parler. Le plus jeune se plaint du fait que les gens ont besoin de leur voiture pour aller travailler, et que de les brûler ne fait que causer du tort aux gens du voisinage. Personnellement, son automobile n’a subi aucun dommage, mais il craint que sa prime d’assurance n’explose. Comme beaucoup de locataires appartenant à la classe ouvrière, il a vécu toute sa vie dans cette cité – dans son cas, pratiquement depuis la construction de la première d’entre elles au début des années 1970. Au début, c’était bien, il y avait de jolis parterres avec des fleurs, mais petit à petit, tout s’est mis à tomber en ruines. Les propriétaires n’ont jamais rien fait pour assurer un entretien décent des immeubles, mais le jeune homme blâme aussi ses voisins. Selon lui, il y a beaucoup trop de gens qui ne veulent pas réellement trouver un emploi; ils se satisfont des quelques centaines d’euros par mois que leur procure l’assistance publique. « Pratiquement aucun des ces jeunes n’a d’emploi permanent », dit-il d’un ton critique.

Au premier abord, son compagnon plus âgé semble être d’accord avec lui. « Comme tout le monde dans ce temps-la, j’ai commencé à travailler dans la construction quand j’avais 15 ans. Quand j’ai pris ma retraite, j’avais accumulé 50 ans de cotisation à la sécurité sociale! De nos jours, les jeunes ne trouvent pas d’emploi stable avant l’âge de 30 ans, et c’est vraiment difficile pour eux. Comme toi, par exemple [s’adressant à son compagnon], tu viens juste de commencer à travailler comme chauffeur de camion, et c’est moi qui t’ai aidé à obtenir ce boulot. » Pratiquement tout le monde à Clichy – autant dans les grandes tours que dans les maisons unifamiliales – est ouvrier. La différence entre les uns et les autres ne réside pas tant dans l’employeur pour lequel ils travaillent que dans le niveau de qualification ou la précarité de l’emploi qu’ils occupent. Les pères de la vieille génération travaillaient en grande partie dans la construction et les mères, pour celles qui avaient un emploi rémunéré, travaillaient comme femmes de ménage. Pour ce qui est de leurs enfants, spécialement chez les jeunes d’origine maghrébine ou africaine, jusqu’à la moitié d’entre eux sont sans-travail, et la plupart des emplois leurs apparaissent tout simplement inaccessibles.

La douzaine d’hommes accoudés au bar se disent tous renversés par la mort de Bouna et Zyed. Ils ont tous le sentiment qu’un véritable crime a été commis et que quelqu’un devrait être puni pour ces meurtres. Le jeune camionneur de tantôt reprend le crachoir, pour dire que si ces garçons n’avaient rien fait de mal – ce que tout le monde affirme et qui a même été admis par un des officiers – ils n’auraient pas dû se sauver de la police. La serveuse, âgée d’une vingtaine d’années tout au plus et possiblement d’origine portugaise, l’interrompt : « Tu sais bien que les flics les auraient intimidés de toutes façons. C’est ce qu’ils font avec tout le monde ici. Moi aussi, à leur place, je me serais enfuie. » Les autres hochent de la tête en signe d’approbation : « Si Sarkozy accède à la présidence, on est tous baisés! » Néanmoins, les gens expriment leur désaccord avec le fait que des biens appartenant à la population soient incendiées. « Ce ne sont pas eux qui vont payer », s’exclame le camionneur, en pointant en direction de Paris, qui symbolise la richesse et le pouvoir : « C’est nous qui paierons la facture. »

Un jeune homme quitte alors le bar pour aller dans l’arrière-boutique, amenant avec une tasse de café. Il y a là 15 ou 20 jeunes hommes, des adolescents jusqu’à des types dans la trentaine, qui jouent sur des flippers plutôt rétro. Aucun d’eux ne consomme d’alcool. « Nous ne sommes pas du coin », répondent-ils sur un ton peu amical, en réponse à mes questions. Ils commencent par affirmer qu’ils sont des visiteurs en provenance de Bretagne : « Tout le monde dans le coin va bien; il n’y a pas de problèmes. » Ils finissent par m’expliquer que ne pas « être du coin » signifie être de « là-haut », c’est-à-dire de la cité située juste en haut de la colline. « Le coin » correspond quant à lui aux quartiers situés dans le voisinage du bar, avec leurs petites maisons unifamiliales. Ils sont descendus « en bas », ce soir, parce qu’il n’y a nulle part, « là-haut », où ils peuvent se rassembler en ce moment. Lorsqu’ils se serrent la main, ces jeunes ont l’habitude de toucher le cœur de leur interlocuteur avec leur poing droit, selon une gestuelle islamique adoptée par les jeunes des milieux défavorisés qui est très répandue dans toute la France, un peu comme le « high five » afro-américain a été adopté au Royaume-Uni. Ces jeunes se sont retrouvés à cet endroit afin de relaxer un peu, avant de sortir dans une boîte de nuit.

Au bout de quelques minutes, ils ont fini par me parler de la situation du logement. Leur cité appartient à des intérêts privés. D’après eux, c’est ce qui explique qu’on ait laissé les logements se détériorer à ce point. Ce n’est quand même pas si mal, néanmoins, étant donné que la plupart des immeubles où ils habitent ne logent que quelques centaines de résidants, contrairement à ces gigantesques tours de HLM (habitations à loyers modiques) invivables, qui appartiennent à l’État et peuvent loger jusqu’à plusieurs milliers de personnes. Cependant, étant donné que leurs logements appartiennent à des intérêts privés, les loyers y sont plus élevés. Il faut compter environ 600 euros par famille pour s’y loger, ce qui laisse bien peu d’argent pour payer le reste, quand on sait qu’un travailleur gagne, en moyenne, autour de 1 000 euros pour un emploi à temps plein. « Croyez-vous qu’il est normal pour une ville entière de n’avoir aucune bibliothèque et aucun cinéma? » Souvent, dans les banlieues, on entend les gens se plaindre du fait que ces complexes immobiliers aient délibérément été installés loin de tout, loin de tous ces endroits où les gens pourraient avoir envie de se rendre. Les transports publics ne sont prévus que pour vous emmener au travail. Il n’y a pas moyen de sortir la nuit, surtout pas à Paris. « Même si vous possédez un véhicule, les plaques d’immatriculation provenant du département 93 vous trahissent. Elles servent de signal pour la police afin de vous humilier », nous explique un jeune. « Pourquoi ont-ils construit des blockhaus où on se sent prisonniers, plutôt que des logements normaux? », ajoute un autre. Ces jeunes nous disent que la cité est un véritable ghetto, non pas parce qu’elle n’est habitée que par des gens issus d’une ou deux nationalités comme c’est le cas dans les ghettos qu’on retrouve aux États-Unis, mais bien dans le sens premier du terme : un endroit où les gens sont forcés d’habiter et dont il est difficile de sortir.

« Tout ça, c’est à cause de ce que nous sommes : des étrangers provenant d’Algérie, du Maroc, du Mali et de Turquie. » Comme les Portugais, les Espagnols et les autres jeunes blancs qui vivent dans la cité vous le diront – le barman, par exemple – les flics détestent vraiment tout le monde dans ces quartiers.

L’un de ces jeunes nous a notamment parlé du meurtre de Zyed, qui était son voisin. Plusieurs nous ont décrit les récents raids policiers effectués dans des immeubles occupés par des immigrants récemment arrivés qui squattaient les lieux. On nous a également parlé de Sarkozy, qui promet des déportations massives. Tous ces coups de gueule nous ont donné une indication de ce à quoi ces jeunes s’opposent. La haute société les perçoit, en fait, comme étant moins que des êtres humains – pire encore, ils sont moins bien traités que des animaux, parce qu’on les considère plus dangereux. Ces jeunes que nous avons rencontrés possédaient tous la citoyenneté française mais pour eux, cela ne fait pas une grande différence. « S’ils disent que notre communauté doit être nettoyée, c’est qu’ils croient que nous sommes des ordures, que l’on doit se débarrasser de nous », nous explique l’un d’entre eux avec amertume. Un de ses potes ajoute : « Si t’as un nom à consonance étrangère, la plupart des entreprises ne t’engageront pas. Et si ton adresse se trouve quelque part dans le 93 ou dans un endroit comme Clichy, tu ne pourras même pas avoir droit à une simple entrevue. Le seul endroit où la majorité d’entre nous pouvons travailler, c’est dans un atelier de vêtements illégal installé dans un logement privé. Et en ce moment, même ces emplois se font de plus en plus rares. De toutes manières, nous n’en voulons plus de ces emplois de merde. » Si certains, plus âgés, ont un emploi, les plus jeunes, quant à eux, ne voient pas le jour où leur tour viendra.

Les jeunes qui fréquentent ce bar se perçoivent comme des islamistes. C’est de cette façon qu’ils se définissent, mais c’est aussi de cette façon qu’ils se sentent jugés par le monde autour d’eux. Pourtant, leur façon de penser, ainsi que leurs espoirs, n’ont rien de tellement religieux. Plusieurs personnes de la région ont été spécialement choquées par l’attaque que la police a faite contre une mosquée (en fait, un entrepôt converti en lieu de culte) à l’aide de gaz lacrymogènes. Les gens considèrent ce geste comme une insulte à leur humanité, plus que comme une attaque envers leur religion. Ces jeunes nous l’ont expliqué ainsi : « Il y a deux ou trois églises dans les environs, ainsi qu’une synagogue » – cette synagogue, en fait, est pratiquement adjacente à la cité. « Personne ici n’a jamais attaqué l’un de ces lieux de culte. Nous respectons les gens, peu importe leur religion. S’ils ont attaqué une mosquée, c’est pour nous montrer qu’ils n’ont aucun respect pour nous. »

Nous leur avons demandé ce qu’ils comptaient accomplir grâce à ces actions. « S’ils ne nous donnent pas ce que nous désirons » nous a dit l’un d’eux, « ce sera la guerre ». Quelqu’un leur a fait remarquer que l’ennemi possède une véritable armée et qu’il ne pourra être défait par des pierres et des cocktails Molotov, mais ces jeunes ne voyaient pas l’affaire ainsi. Le gouvernement ne sera pas capable de leur faire face, particulièrement si la révolte s’étend dans tout le pays. La police devra retraiter, éventuellement. Les jeunes à qui nous avons parlé n’avaient que peu de choses à dire à propos d’une éventuelle intervention de l’armée.

« On va les forcer à nous écouter! », nous a dit le voisin de Zyed. « Quand vous retournerez chez vous ce soir, jetez un coup d’œil à votre téléviseur – vous verrez que c’est toute la France qui brûle. »

Ceci a mis un terme à notre conversation. Le bar fermait et les jeunes s’apprêtaient à partir. C’est à ce moment que l’un eux a ajouté quelque chose de très éclairant. Je leur avais posé la question, à chacun : « Ce gars-là, au bar, disait tantôt que vous ne devriez pas brûler les véhicules de vos voisins qui en ont besoin pour se rendre au travail. Qu’en dites-vous? »

« Nous incendions des automobiles, monsieur, parce que ce sont les automobiles qui brûlent le mieux », a vivement répondu un jeune homme qui avait joué un rôle de leader depuis maintenant plusieurs heures. Cette simple phrase nous permet de voir à la fois ce qu’il y a de mieux chez ces jeunes, mais aussi leurs insuffisances. Ces jeunes sont déterminés à se révolter contre l’injustice, par tous les moyens possibles; ils sentent qu’ils n’ont rien à perdre et, à certains moments, ils sont vraiment sans peur. Toutefois, ils ont aussi besoin de la science révolutionnaire afin de comprendre plus clairement ce contre quoi ils se battent et ce qui devrait être fait afin de réaliser un changement radical. Mao Zedong disait que la vérité la plus importante du marxisme, c’est qu’on a raison de se révolter. Quand ces deux éléments se rencontreront – la révolte des prolétaires et la conception du monde scientifique – l’avenir de la France, et celui des autres pays européens, prendra un tout autre visage.



France : quelques signes pour l’avenir

Le 14 novembre 2005. Service de nouvelles d'Un Monde A Gagner. Après 18 nuits d’incendies de voitures et d’escarmouches avec la police, de même que quelques batailles de grande intensité, on peut sans hésitation prévoir une chose : la France ne sera plus jamais comme avant.
La révolte a commencé le 27 octobre, quand la police a poursuivi deux adolescents, Bouna Traore et Zyed Benna, jusqu’à une station électrique et les a laissés mourir électrocutés. À partir de ce moment, plusieurs localités dans la région parisienne se sont embrasées, de même que plus de 40 villes et localités à travers le pays. Un des incidents les plus embêtants pour les autorités s’est produit le 12 novembre à Lyon – la troisième plus grande ville de France. Des jeunes des cités ont convergé vers le centre historique de la ville, la place Bellecour, qui est aussi une importante zone commerciale de luxe. Les rebelles ont combattu la police qui s’était concentrée à cet endroit dans le but de les repousser et ont incendié plusieurs magasins. La même nuit, il y a aussi eu des combats près de Saint-Étienne et de Toulouse dans le sud-ouest de la France, et aussi à Strasbourg, dans l’est.

Les autorités prétendent que la rébellion est pratiquement terminée, mais elles n’agissent certainement pas comme si elles s’attendaient vraiment à ce qu’elle s’éteigne. Un projet de loi autorisant une prolongation de 90 jours de l’état d’urgence décrété temporairement la semaine dernière a été soumis au Parlement le 14 novembre. L’état d’urgence a été décrété au moyen d’une loi qui remonte à 1955 : cette loi avait été promulguée dans le but de stopper le soulèvement anticolonial en Algérie, qui faisait alors légalement partie de la France. Elle a par la suite été utilisée sur le territoire français lui-même en 1961, pour réprimer le mouvement contre la guerre coloniale qui s’inspirait de ce soulèvement. Le 17 octobre 1961 à Paris, des milliers d’immigrantEs AlgérienNEs défièrent le couvre-feu et l’interdiction de manifester et organisèrent une marche en appui à la guerre de libération nationale. Les flics reçurent l’ordre de mettre fin à la marche et de pourchasser et punir ceux et celles qui avaient osé sortir de leur résidence. L’État avait donné carte blanche à ses « agents de la paix » pour qu’ils répriment les AlgérienNEs. Cette nuit-là, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants furent battus à mort et jetés dans la Seine.

Aujourd’hui, cette même loi est utilisée de nouveau – pour la première fois en France depuis cette époque – contre les enfants et petits-enfants de ceux-là même qui furent tués, blessés, arrêtés ou détenus dans des camps en 1961, ainsi que d’autres personnes issues de l’immigration et en général, contre tous les habitantEs des cités qui ont désormais remplacé les bidonvilles des années 1950 et 1960. Le couvre-feu n’est pas en vigueur à l’échelle nationale, mais il est appliqué dans les secteurs jugés potentiellement agités. Grâce à cette loi, les autorités locales peuvent limiter les déplacements comme bon leur semble. Dans certaines zones, les jeunes de moins de 16 ou 18 ans sont officiellement banniEs des rues après 22 ou 23 heures. À d’autres endroits encore plus nombreux, des couvre-feux non officiels ont été instaurés. La police n’hésite même pas à ordonner aux personnes âgées de quitter la rue.

À certains endroits, un blocage complet a été décrété. Ainsi, à Evreux – une ville de banlieue située au nord de Paris – la police a établi un périmètre entourant une cité entière de 18 000 habitantEs, appelée La Madeleine. L’escouade anti-émeute (les CRS) a littéralement verrouillé les entrées de La Madeleine et ne laisse personne rentrer ou sortir entre dix heures du soir et cinq heures du matin, sauf en cas d’urgence médicale et pour les gens qui vont travailler. Les résidantEs n’ont même pas le droit d’aller fumer une cigarette ou promener leur chien en face de chez eux. Un hélicoptère braquait ses projecteurs sur les flancs des habitations et sur les trottoirs. La même procédure a été imposée la nuit suivante.

Il y a un bon nombre de cités où la police évite d’aller la nuit, même en temps normal. Maintenant, il arrive que des jeunes lancent des pierres et des cocktails Molotov à la police puis courent se réfugier dans une tour à logements. Même si les flics les poursuivent à l’intérieur, des locataires ouvrent leurs portes aux jeunes pour leur venir en aide. L’appui aux jeunes rebelles est loin d’être universel et la tactique de brûler des voitures n’est pas toujours bienvenue; mais en prenant ainsi des mesures s’appliquant contre des cités entières et en leur infligeant des représailles collectives, le gouvernement en vient à clarifier lui-même le fait que sa cible n’est pas seulement la jeunesse, mais bien une section complète du peuple, avec pour conséquence que plusieurs personnes sont passées du bord des jeunes.

Jusqu’à date, les principales expressions publiques de sympathie envers les rebelles sont venues de la part de personnalités sportives. Quelques personnes issues de la petite-bourgeoisie ont aussi participé à des actions. Toute manifestation ou rassemblement public non autorisé a été interdit à Paris durant le week-end. Malgré cela, au moins trois rassemblements ont eu lieu, dont un sur la très majoritairement blanche Rive Gauche de Paris (là même où ont eu lieu des batailles historiques entre les étudiantEs et la police en mai 1968), ainsi que dans d’autres lieux touristiques très achalandés. C’est le groupe de désobéissance civile anti-SIDA Act Up qui a pris l’initiative de défier l’interdiction et d’appeler la population à prendre la rue en soutien aux jeunes. Des militantEs pour le droit au logement, des activistes anti-racistes, des supporters de la Palestine, etc. ont également pris part à des rassemblements illégaux spontanés et nécessairement assez bref, sur des coins de rues très passants. Certains de ces rassemblements ont réuni jusqu’à un millier de personnes, malgré une présence policière considérable et les fortes probabilités d’arrestations et de blessures.

En même temps, malgré le déploiement de policiers à chaque station de train en banlieue et à chaque station de métro importante en ville (cela, dans le but d’empêcher les jeunes de sortir des ghettos), des groupes énormes de jeunes prolétaires, des banlieues et d’ailleurs, ont envahi le centre de Paris samedi après-midi pour profiter de la force du nombre et des difficultés que cet endroit pose à la police pour pouvoir tabasser ou gazer la foule sans faire de victimes collatérales. Ces initiatives dynamiques et fluides ont semblé rendre la police plutôt inconfortable. Le centre de Paris avait rarement été si bondé et si tendu – et pour bien des jeunes, si agréable – bien que la situation n’ait pas vraiment glissé hors du contrôle des flics. C’est exactement ce genre de situation volatile que les autorités veulent éviter; sauf que ce faisant, les mesures qu’elles doivent nécessairement prendre pourraient avoir pour effet d’élargir la répression à un bien plus grand nombre et d’établir en conséquence un type de climat bien différent dans la capitale.

Il est très probable que les couvre-feux et l’interdiction des rassemblements vont constituer un enjeu central dans les prochains jours, dans la mesure où leur étendue représente une intensification et un élargissement des attaques antipopulaires.

Une autre question importante est la position du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, qui menace d’expulser hors de France tous les immigrantEs interpelléEs par la police, peu importe s’ils ont des papiers en règle ou pas. Plusieurs experts juridiques et militants pour les droits de la personne ont déclaré que cela serait illégal en vertu des lois françaises et celles de l’Union européenne, qui interdisent les punitions collectives et les sanctions sans procès juste et équitable. Mais au lieu de se rétracter, Sarkozy a annoncé que 120 personnes seront déportées d’une manière ou d’une autre, à partir du 14 novembre. De telles menaces peuvent effectivement avoir effet dissuasif, dans la mesure où ces déportations visent souvent des personnes ayant vécu presque toute leur vie en France, et même certaines qui y sont nées mais qui n’ont pas encore obtenu leur citoyenneté. Mais alors que Sarkozy essaie de dresser une bonne partie de la petite-bourgeoisie contre la jeunesse des cités, cette polarisation pourrait aussi bien aller d’un côté comme de l’autre. Les déportations de masse d’étrangers ont une réputation particulièrement mauvaise dans ce pays, où on se souvient encore de l’occupation nazie. De plus, les jeunes rebelles sont majoritairement FrançaisES, et non immigrantEs. Plusieurs considèrent donc cette manœuvre comme une tentative de dévier le sujet et d’éviter de présenter cette rébellion sous son vrai jour, c’est-à-dire comme une révolte légitime d’une partie du prolétariat français. Les provocations de Sarkozy pourraient aider à clarifier les enjeux pour de nombreux éléments au sein de la petite-bourgeoisie, créant ainsi les conditions pour qu’ils en viennent à appuyer la jeunesse rebelle.

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